Mais, demandera-t-on, est-ce nécessaire ? Vu du point de vue du grammairien normatif, oui, plus que jamais. Or ce  dernier est peut-être bien le seul à voir les choses ainsi, tant laxisme débridé joint à coupable négligence paraissent aller de soi ! Et la situation générale n’est assurément pas près de s’améliorer, il s’en faut ! chacun étant à la fois rédacteur, imprimeur et éditeur de ses écrits… Quand on sait que, dans nombre de rédactions de journaux, voire même de maisons d’éditions, les postes de correcteurs ont été les premiers à passer à la trappe, pour des raisons d’économies de salaires, on ne s’étonne plus de rien. A cela s’ajoute l’enseignement du français à l’école primaire et au niveau secondaire, laissant toujours plus à désirer. Sans parler des études de « lettres », que l’on peut faire sans être astreint à suivre le moindre cours de dissertation ni de littérature française ! Quant à la lecture « de bons livres »,  comme il ne faut surtout pas dire, il y a beau temps qu’elle a été jetée aux oubliettes, remplacée qu’elle est par les bandes dessinées, les écrans de toutes sortes, voire même par rien du tout !

Qui dit SOS, dit signal d’alarme ; mais, de nos jours, se sert-on encore, en matière de langue, d’un tel accessoire, dont, soit dit en passant, l’emploi abusif est sévèrement sanctionné, dans les trains par exemple, comme cela figure, écrit en caractères rouges, à côté de la manette plombée ?… Par crainte de la sanction, on ne tire évidemment pas le signal d’alarme. Sauf en cas de force majeure, lequel a, comme chacun sait, autant de probabilités de se produire que celles de voir son billet de loterie remporter le gros lot ! Un déraillement du train dans lequel voyage le passager lambda, c’est bien connu, n’arrive qu’aux autres… Aussi évite-t-on soigneusement non seulement de regarder la notice en caractères rouges, mais même d’y songer, pour, finalement, l’oublier complètement.

Et pourtant, lire aujourd’hui un article de journal gratuit par exemple, une lettre commerciale ou administrative, un dépliant publicitaire, voire un simple papillon 1Une jolie métaphore, qu’il serait bon de remettre en usage, pour remplacer le triste flyer…Elle a succédé à la feuille volante,  qu’en dépit de son expressivité on n’entend évidemment plus du tout. tient du parcours du combattant, cahoteux à souhait : citons pêle-mêle amphigouri, style bombastique, pataquès, jargon abstrus, emploi récurrent de clichés et de tournures éculées, incohérences pronominales, sans omettre anglicismes, langage soi-disant “inclusif”, anacoluthes, tournures syntaxiques fautives, hypercorrections, fautes d’orthographe grammaticale en particulier, comme la transgression des règles d’accord des participes passés ! Eh oui, c’est un fait : tout cela s’ébat joyeusement dans nombre de productions écrites d’aujourd’hui, personnelles, publicitaires, parfois même officielles. Un rapide coup d’œil sur les blogs des médias sociaux, les commentaires de recettes de cuisine, certains articles de Wikipédia et d’autres supports électroniques suffit pour convaincre le lecteur le plus sceptique de la triste justesse de ce constat.

Alors, que faire, demandera-t-on ? Pour commencer, dresser sans complaisance un état des lieux de tout ce qui s’écrit, afin de prendre conscience de l’étendue du phénomène. Ensuite de quoi, sans la moindre indulgence, établir une liste de ses propres faiblesses et lacunes, en sérier les difficultés et entreprendre d‘y remédier systématiquement, ce à quoi peut aider ce site, ne fût-ce que par le fait qu’il répertorie une foule de délicatesses et de subtilités du français écrit dispersées dans nombre d’ouvrages 2Cf. la bibliographie d’ouvrages spécialisés., dont il propose explications et solutions.

Il est en effet important de développer le sens et d’affiner la conscience que l’on a de sa langue maternelle ‒ dont la maîtrise est tout sauf infuse ! ‒ des divers moyens d’expression dont elle dispose par rapport à ce qu’elle est pour chacun d’entre nous, soit un axe de référence linguistique, en fonction duquel s’ordonne notre compréhension d’une autre langue et, par voie de conséquence, la perception que nous avons de la pensée d’autrui. Etant un facteur déterminant de l’identité de chacun, la langue maternelle et la manière dont on l’utilise sont de ce fait chargées d’éléments affectifs, ce qu’ont bien mis en évidence les travaux du linguiste de l’école de Genève, Charles Bally (1865-1947).

C’est ce que l’illustre helléniste, comparatiste, germaniste et linguiste développe notamment dans le 1er volume de son Traité de stylistique française, suivi d’un second volume, d’ exercices d’application. Ce site, tout comme notre Manuel de stylistique française, qui s’inscrit dans la voie ouverte par le théoricien du langage affectif et fidèle disciple de Ferdinand de Saussure (1857-1913), se veut une modeste contribution à la quête de l’expression correcte, soit celle qui permet d’exprimer ce que l’on veut dire au plus près de ce que l’on pense. En d’autres termes, et comme cela devrait ressortir des pages électroniques qui suivent, il s’agit d’exprimer le lien primordial unissant la pensée et la langue 3Tel est le titre du monumental ouvrage de Ferdinand BRUNOT (1860-1938), auteur d’une importante Histoire de la langue française, des origines à 1900, en 13 volumes., étant entendu qu’apprendre à parler, c’est apprendre à penser ; et apprendre à bien parler, c’est apprendre à bien penser. Or, si l’on pense bien, on écrit bien aussi, conformément à l’adage latin mis en épigraphe à la page intitulée : De l’importance d’écrire un français correct.