Séparation ou coupure des mots
Il arrive que l’on soit obligé de couper un terme en deux ou en plusieurs parties ; pour ce faire, la typographie française applique des règles fondées sur la division dite syllabique[1], appelée aussi épellation française : é-lu-cu-bra-tion, mais : coa-gu-la-tion[2]. Dans certains cas, toutefois, elle peut adopter la division dite étymologique : atmo-sphère, hémi-plégique, hémo-globine. Quoi qu’il en soit, les règles régissant les coupures de mots sont fondées sur la lisibilité des éléments ; en effet, comme toujours en grammaire, le critère principal en est le sens.
Lorsque l’on doit couper un mot à la fin d’une ligne, ce que l’on marque par un trait d’union, outre l’application stricte de la division syllabique, les typographes consciencieux prennent aussi en considération l’équilibre du terme coupé en deux ; c’est ainsi qu’ils ne toléreront pas un terme polysyllabique coupé après la première syllabe, quand celle-ci ne consiste qu’en une seule lettre : é/prouver, l’I/talie ; ils éviteront at/tention ou cré/ancier, et ne couperont pas un mot de quatre lettres : l’In/de, ci/té, dé/jà. Semblablement, la typographie soignée, ne rejettera pas en début de ligne une syllabe formée d’une consonne suivie d’un e muet : voyel/le, sylla/be. Toutefois, une syllabe finale muette comportant plus de deux lettres peut se trouver au début d’une ligne : elles arri/vent, des aventu/res, tu recomman/des.
On ne va pas davantage à la ligne après une apostrophe ; celle-ci devant être obligatoirement suivie d’au moins une syllabe, sans espace entre elles, on coupera soit avant la syllabe élidée : prière de/ m’aviser, soit après celle-ci : prière de m’-a/viser.
Néanmoins, la lecture de certains mots pouvant être contrariée par une coupure syllabique, cette règle ne s’applique pas après les préfixes dé(s)- et pré- : dé-stabiliser, dés-hériter, pré-destiné.
En général, on coupe aussi après : co-, extra-, in-, mal-, mé(s)-, non-, re-, sub-, sur-, sus-, trans-, etc. : dans tous ces cas, en effet, on applique la division étymologique : co-locataire[3], extra-ordinaire, in-stable, mal-poli, etc.
Si un mot constitué de plusieurs voyelles consécutives suit la syllabation graphique, on ne saurait toutefois le couper entre deux voyelles : voyons, louaient ; on le coupera, si cela est permis, avant ou après la seconde voyelle, ou avant une consonne séparant deux voyelles : châ-teau, ou-vrier mais : théâ-tre, poé-sie.
Cette règle s’applique particulièrement lorsque l’une des voyelles représente une semi-voyelle, comme dans le mot es-pion.
Lorsque deux consonnes, identiques ou différentes, se trouvent entre deux voyelles, on sépare le mot entre les deux consonnes : fer-mer, ef-fort.
Si la seconde consonne est une liquide (l ou r), on ne les sépare pas : sa-ble, ca-li-bre, a-bré-via-tion ; quand les deux consonnes sont des liquides, on coupe le mot entre elles : er-reur, al-ler.
Dans le cas de deux consonnes représentant un digramme*, la séparation se fait avant le digramme : gra-phique, monta-gne, ra-chat.
Quand il y a trois consonnes, on coupe après la deuxième : abs-tention, comp-table, sauf si les deux dernières forment un digramme : re-cher-che ou si la dernière est une liquide : ap-pli-quer, ar-bre.
Lorsqu’il s’agit de couper un mot composé comportant un trait d’union, on coupera après le trait d’union orthographique : des chefs-/d’œuvre, un chef-/lieu ; les mots comportant deux traits d’union, se verront couper* après le premier : c’est-/à-dire, pense-/t-elle ?
Bien que l’on évite de couper un nom propre, il peut arriver que cela soit nécessaire : dans ce cas, on applique la syllabation graphique : Ber-na-nos. Les noms propres étrangers seront coupés conformément aux règles de leur langue d’origine (qu’il faut donc connaître).
* Hypertexte I a — Cf. BU, § 90, c. — On appelle digramme ou digraphe deux lettres n’exprimant qu’un seul son : ch, ph, gn, ou, eu, ainsi que les syllabes nasales : an, en, in, on, un. La lettre x correspond à deux sons. [ks] ou [gz]. Il existe aussi des trigrammes comme eau, ain, ein, œu et ill [j], comme dans le verbe tailler, le substantif fille. C’est pourquoi l’on abrège Philippe, Ph. et Charles, Ch. Exceptions : J.-C. : Jésus-Christ et C. F. (Charles Ferdinand) Ramuz
* Hypertexte I b — Plutôt que coupés, l’infinitif présent marquant l’action de séparer ce type de mots : cf. BU, § 791 o.