Les genres : masculin et féminin ; vraiment ?
Comme le note le Bon usage (13e éd., p. 754 – cf. la bibliographie) « il faut en tout cas rappeler que le genre grammatical masculin n’est pas uniquement l’expression du sexe masculin, mais qu’il sert aussi de genre commun, de genre neutre, de genre asexué. » C’est ainsi qu’en prétendant que la langue n’est pas neutre, une certaine idéologie féministe l’accuse à tort de « sexisme », par ignorance de cette valeur du masculin. Or la source du problème est précisément la disparition du neutre en français : s’il y a tant de noms masculins dans notre idiome, ce n’est pas que la langue soit “sexiste”– affirmation gratuite, sinon tendancieuse – mais simplement parce que, ayant perdu ce 3e genre, le français a redistribué, au cours de son histoire, les neuf dixièmes des noms latins neutres qu’il a gardés dans la catégorie du masculin, ce genre étant, morphologiquement parlant, plus proche du neutre que du féminin latin. C’est ce qu’a bien vu l’ethnologue et académicien Claude Lévi-Strauss : « en français, le neutre est masculin » ! D’où le masculin apparent des noms de fonctions épicènes, surtout des professions non manuelles, où c’est la tête, donc le cerveau qui fait le travail – le chef comme on disait jadis, sens qui a survécu dans couvre-chef. Ce terme, indûment féminisé en °la chef[fe] illustre jusqu’à la caricature ces aberrations linguistiques. Il vient du latin caput, neutre, par le bas-latin *capum, qui signifie tête et, par métaphore, la partie supérieure, ce qui vient en premier lieu, ce qui commande. Or, puisqu’il y a métaphore, seul le genre est à considérer. Que ce soit un homme ou une femme qui prend le commandement d’un groupe, il / elle en devient la tête, le chef.
Comme le souligne l’Académie française, « le français connaît deux genres traditionnellement dénommés masculin et féminin. Ces vocables sont impropres. Le seul moyen de définir les genres du français consiste à les distinguer en genres marqué et non marqué. Le genre dit couramment masculin est le genre non marqué, qui représente à lui seul les éléments relevant de l’un et l’autre genre. Quand on dit tous les hommes sont mortels, cette ville compte 20000 habitants, tous les candidats ont été reçus à l’examen, le genre non marqué désigne indifféremment des hommes ou des femmes. En revanche, le genre dit couramment féminin est le genre marqué. Or la marque affecte le terme marqué d’une limitation. A la différence du genre non marqué, le genre marqué, appliqué aux êtres animés, institue entre les sexes une ségrégation. » C’est-à-dire exactement ce contre quoi l’on prétend lutter !!! A bon entendeur… (°entendeuse ?)