Classe d’erreurs extensible à l’infini, les impropriétés de termes ressortissent souvent à l’une ou l’autre des catégories de fautes de français et, de ce fait, battent tous les records de fréquence, tant les formes et les degrés d’ignorance linguistique sont variés !
« L’emploi d’un mot à contresens est une des fautes contre la langue qu’on peut le plus déplorer. Chaque mot ayant une valeur propre, il est indispensable de s’en tenir à cette définition si l’on veut être compris de tous. De là l’utilité de consulter un dictionnaire dès que l’on doute du sens d’un mot. » 1A. V. THOMAS, Dictionnaire des difficultés de la langue française, s.v. Une des plus célèbres impropriétés citées par l’ancien correcteur des éditions Larousse est due à Marcel Proust, qui situe les vertèbres … dans le front ! Son triste front pâle, où les °vertèbres transparaissaient comme les pointes d’une couronne d’épine.» C’est veines qu’aurait dû écrire l’auteur d’A la recherche du temps perdu.
Comme l’écrit Georges Duhamel (1884-1966) dans le Voyage de l’espérance :
« Le plus beau présent que l’on puisse faire à un enfant quand il sait lire, c’est de lui offrir un dictionnaire. Si vous voulez devenir des hommes raisonnables, ouvrez cent fois dans la journée les dictionnaires qui sont à votre disposition, et faites un effort non seulement pour comprendre ce que l’on vous dit ou ce que vous lisez, mais encore et surtout pour bien comprendre ce que vous dites vous-même, pour bien employer les mots qui doivent traduire votre pensée. »
Mais ouvre-t-on encore un dictionnaire de nos jours ?
Poser la question, c‘est y répondre !… A lire ce qui s’écrit aujourd’hui, on peut en douter sérieusement. Et pourtant, quoi de plus instructif non seulement que la consultation d’un dictionnaire, mais même la lecture suivie de pages de dictionnaires ! A chaque utilisateur de répondre en son âme et conscience à cette question… Citons à l’appui de ce conseil une anecdote relatée par Anatole France dans le 2e vol. de la Vie littéraire, dans l’article intitulé Lexique : « Baudelaire raconte qu’ayant, jeune et inconnu, demandé audience à Théophile Gautier, le maître en l’accueillant lui fit cette question : Lisez-vous les dictionnaires ? Baudelaire répondit qu’il en lisait volontiers. Bien lui en prit, car Gautier, qui avait dévoré les vocabulaires sans nombre des arts et des métiers, estimait indigne de vivre tout poète ou prosateur qui ne prend pas plaisir à lire les lexiques et les glossaires. »
Faux sens, contresens, non-sens. Le point commun de ces trois catégories d’erreurs est en premier lieu d’ordre lexical : méconnaissance du ou des sens des mots, indigence de vocabulaire, ignorance de nombre de termes spécifiques (terminologie), insensibilité linguistique en général et syntaxique en particulier. Or, plus on sera conscient de ce que l’on dit et de la manière dont on le dit, moins on commettra de fautes de ce genre ! Comme l’écrit, en alexandrins, Nicolas Boileau (1636-1711) au chant I de l’Art poétique :
Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément.
Exemples de faux sens : Une scootériste a été °emboutie par l’arrière au lieu de heurtée à l’arrière (on ne peut emboutir qu’une chose). ― Les détenteurs de molosses devront suivre un °écolage très astreignant. L’helvétisme écolage désigne en Suisse romande les frais de scolarité d’un élève d’une école privée. Dans le cas particulier, c’est évidemment d’une sorte de dressage qu’il s’agit. Quant à l’adverbe très, il est superflu. ― Il a subi bien des °avatars dans sa vie : avatar – terme tiré du sanskrit avatâra signifiant descente et employé pour désigner « chacune des incarnations de Vichnou » 2A. V. Thomas, op. cit., s.v. – n’a jamais les sens de mésaventure, de malheur ni de vicissitude[s], voire d’avanie (peut-être par rapprochement erroné avec le terme populaire d’avaro, qui n’est pas une avarie !). Très en vogue actuellement « il se dit par extension et familièrement du changement ou de la transformation d’un objet ou d’une personne qui en a déjà subi plusieurs : innombrables sont les avatars de certains hommes politiques. » 3R. Bailly, Dict. syn. l. fr., art. « métamorphose ».
― Tout contrevenant sera °amendé (au lieu de se verra infliger une amende, devra s’acquitter d’une amende). Le verbe dont dérive ce substantif, amender, ne signifie pas mettre à l’amende, infliger une amende, comme on le lit souvent dans les journaux ou sur des panneaux d’interdiction, mais améliorer, corriger (un texte, un projet de loi, par exemple) ; c’est de ce verbe que dérive le substantif amendement « à peu près réservé au vocabulaire agricole (amendement des terres) et surtout législatif : amendement proposé par un député à un projet de loi ». 4P. DUPRÉ, Encyclopédie du bon français, T.I, s.v. A la forme pronominale, s’amender signifie s’améliorer ; quant à l’adjectif amendable, il veut dire qui peut être amélioré. Signalons enfin l’expression faire amende honorable, dont le sens est se repentir sincèrement, reconnaître ses torts.
― Les °performances de ce chanteur de rock sont chaque fois un événement unique. Le terme de performance, emprunté à l’anglais en 1839, a uniquement, en français, le sens d’exploit, de résultat chiffré obtenu dans une compétition sportive, ou, dans le cas d’une machine, celui de résultat optimal 5Cf. Pt Rob., s.v.. Il ne saurait donc, en aucun cas, prendre celui de représentation théâtrale, d’exécution d’opéra, etc. En revanche cette phrase est correcte : les sportifs dont les performances sont médiocres seront éliminés.
― J’ai acheté ce pantalon dans un magasin d’articles °de seconde main : pour un pantalon, c’est plutôt paradoxal !… Considérée par la plupart des gens comme un anglicisme, et préférée de ce fait, cette expression est, comme beaucoup, mal “traduite” de l’anglais, puisqu’elle signifie en fait d’occasion. On a donc, dans cet emploi de la locution de seconde main, affaire à un faux sens, car, en français, de seconde main s’utilise à propos d’un texte ou d’un ouvrage dont les éléments ont été puisés chez divers auteurs (par exemple un livre d’histoire, redevable aux travaux d’historiens antérieurs), par opposition à un ouvrage d’érudition de première main, dont l’auteur a travaillé directement sur les sources (documents d’époque, archives, manuscrits, correspondance, etc.)
Terminons cette notice par un faux sens des plus répandus : un °courrier. Doit-on dire lettre ou courrier ? Pseudo-synonyme prétentieux et erroné, très en vogue aujourd’hui, un courrier n’est pas une lettre.
A l’origine on appelle courrier (de l’italien corriere), un messager à cheval chargé d’apporter une missive. Avec le développement des moyens de transport, ce terme « s’applique alors à une malle-poste, puis à d’autres véhicules, notamment à des avions : moyen-courrier, long-courrier ». Par métonymie, « le mot recouvre l’ensemble des lettres, dépêches et journaux ainsi transportés (1770) ». Ayant servi de nom à certains journaux, courrier « désigne une chronique transmettant des nouvelles de théâtre, de mode, de sport, une tribune ouverte aux lecteurs : courrier des lecteurs, courrier du cœur 6Dictionnaire historique de la langue française, s.v.. Ainsi, courrier – ou correspondance, d’ailleurs tout autant à la mode et tout aussi faux ! – ne sont pas synonymes de lettre. Si l’on ne fait pas la distinction, comment dira-t-on : « J’ai sur cette question une volumineuse correspondance » ? « J’envoie par le même courrier une lettre à mon avocat » ? « Vous m’obligeriez infiniment en me répondant par retour du courrier »? Si, à l’origine, le courrier était un messager à cheval envoyé à qqn pour lui remettre une missive, à l’époque moderne, c’est tout ce que le facteur met dans une boîte aux lettres : « J’attends une lettre de mon avocat au courrier de demain ».
« Adieu : les lettres qui seront portée par cet ordinaire (= courrier !) vous feront voir si nous disons vrai ou non. » (Madame de Sévigné à sa fille, madame de Grignan).
Exemples de contresens : Tâchez de réduire les risques au °maximum, au lieu de réduire, de limiter au minimum ; ou alors réduire, limiter le plus possible les risques. ― A noter que maximum étant un superlatif neutre latin, l’expression °au grand maximum est un pléonasme. Il en va de même des expressions un maximum °à ne pas dépasser, et d’un minimum °au-dessous duquel il ne faut pas descendre.
Vous n’êtes pas sans °ignorer qu’il brigue ce poste : en vertu de l’adage latin duplex negatio = affirmatio, soit le principe selon lequel deux négations authentiques équivalent à une affirmation 7cf. la critique linguistique que font de ce principe G. & R. Le Bidois au § 1796 de leur Syntaxe du français moderne , ignorer signifiant ne pas savoir, il faut dire : vous n’êtes pas sans savoir, ou, plus naturellement, vous savez sans doute… Si la formule a tant de succès, c’est parce que c’est une fausse élégance !
Une °session de cours, de conférences, de séminaires, etc., au lieu d’une série de cours, de conférences…. Du latin sessio, -onis, subst. fém. dérivant du verbe sedere, qui veut dire être assis, siéger, une session marque un temps d’arrêt, une pause dans un processus, dans une succession de faits, d’événements ; c’est pourquoi on parle d’une session parlementaire, durant laquelle les députés siègent au parlement ; d’une session d’examens, qui interrompt le déroulement normal des cours : l’administration suspend ceux-ci pour permettre aux professeurs de siéger dans les jurys d’examens et aux candidats de s’y présenter. Or le mot de cours traduit un mouvement, réel ou apparent, un écoulement : un cours d’eau, le cours d’un fleuve, le cours de la vie, le cours de l’histoire, le cours d’un astre, une affaire qui suit son cours, une procédure en cours, etc. Au sens d’enseignement, acception qui date du XIVe s., l’expression suivre un cours confirme la nuance de déroulement, de développement, d’enchaînement. Suit-on qqch de statique ? Cette remarque concerne également des termes comme conférence, séminaire, etc.
Exemples de non-sens : L’équipage gouvernemental (…) passe au large des récifs sur lesquels il se serait naguère °empalé [au lieu de fracassé] ; et puis l’on parle plutôt d’une équipe gouvernementale. – Les sympathisants de la bande avaient observé jusqu’ici un silence °retentissant !!! (au lieu d’assourdissant). Oxymore saisissant, certes, mais indéfendable ! – On savait que l’équipe de Malte n’allait pas enrayer la mécanique, mais les °locaux 8A propos du substantif local , voir les anglicismes. ont mis un quart (de quoi ? d’heure ?) pour °ajuster la mire (?) (…) puis terrasser définitivement °l’adversité (sic). Sans commentaire !… Les pages sportives sont une mine de tournures ahurissantes… — Et que dire de cette phrase tirée d’un ouvrage de psychanalyse : Le déni de castration en tant qu’exigence d’autrui (?) plonge, catapulte le sujet dans une position masochiste extrême. Ça part vraiment dans tous les sens…, à défaut d’en avoir un !
Mais le gros des impropriétés de termes appartient à la catégorie des paronymes, terme désignant des mots se ressemblant et qui, de ce fait, peuvent être facilement pris l’un pour l’autre, comme acceptation / acception, luxurieux / luxuriant, original / originel (originaire), précepteur / percepteur, prodige / prodigue, recouvrer / recouvrir (mais retrouver à la place de recouvrer est un solécisme), vénéneux / venimeux, etc.
Une graphie fautive peut entraîner un certain type d’impropriété de terme : c’est le cas d’homonymes que ne distingue en général qu’une lettre supplémentaire : balade (synonyme familier de promenade) / ballade (poème à forme fixe) ― ou, plus souvent, un accent circonflexe de nature diacritique qui surmonte les participes passés dû, crû, mû des verbe devoir, croître et mouvoir au masculin singulier seulement. L’accent circonflexe permet de les distinguer de du, article défini contracté, de cru, participe passé du verbe croire 9Mais, bien que ces deux substantifs suivants viennent du verbe croître, on écrit le cru sans circonflexe, dans le sens de vignoble (un vin de cru, un grand cru), car il n’a pas d’homonyme, et la crue (la montée des eaux d’une rivière)., de la lettre grecque mu (μ) correspondant au m de l’alphabet latin et servant de symbole mathématique.
Pour la même raison, on distingue graphiquement parlant la préposition sur de l’adjectif sûr,-e, voulant dire certain ou bien, dans un autre contexte, aigre, acide ; les substantifs la cote (cotisation, valeur) de la côte (l’os, la pente) ; la tache (marque, souillure, du verbe tacher) de la tâche (devoir, travail, de tâcher de) ; les verbes pêcher (des poissons) de pécher (commettre une faute, dans la langue religieuse), d’où le péché, que l’on se gardera de confondre avec le pêcher (arbre fruitier), etc.
Enfin l’accent circonflexe permet de distinguer des formes verbales homographes, telles que la 3e personne du singulier du passé simple de l’indicatif de la 3e personne du singulier du subjonctif imparfait des verbes des 2e et 3e groupes : elle finit, il obéit, elle partit, il vit, elle voulut, elle sut, il conçut 10Cette confusion est on ne peut plus fréquente ! On notera que la 3e pers. du sing. du passé simple des verbes du 1er groupe (infinitif en –er) n’a pas de t final : il regarda, elle pria, etc., et l’on se rappellera que l’accent circonflexe ne surmonte au passé simple que les terminaisons des deux premières personnes du pluriel des trois groupes : nous regardâmes, vous regardâtes, nous vîmes, vous vîtes, nous tînmes, vous tîntes (verbe tenir), nous fûmes, vous fûtes, etc., etc., de la personne correspondante du subjonctif imparfait : qu’elle finît, qu’il obéît, qu’elle partît, qu’il vît, qu’elle voulût, qu’elle sût, qu’il conçût, etc.
Contrairement à une idée communément répandue, tous les s amuïs n’ont pas été représentés par des circonflexes, même si cela est le cas de nombre de termes (bête, fenêtre, quête, tête, etc.), et nombreux sont les cas où l’on a préféré é à ê, notamment dans les syllabes protonique comme étendre, épier, mélange, tempétueux et à certaines personnes du verbe être : étions, été, etc. 11Cf. BU, § 103, b, Hist.
L’accent grave aussi s’emploie comme signe diacritique, notamment sur les voyelles a, u et e, ce qui permet de distinguer des homonymes. La préposition à se distingue de la 3e personne du singulier de l’indicatif présent du verbe avoir ; de même, les adverbe là et çà ne se confondent pas avec l’article féminin singulier la et le pronom démonstratif ça. Où marquant le lieu se différencie de la conjonction de coordination ou.
Enfin, sur la voyelle e de dès, l’accent grave permet de distinguer cette préposition de l’article pluriel (défini contracté ou indéfini).
Quant à l’ancien article contracté ès, l’accent grave le distingue de la 2e personne du singulier de l’indicatif présent du verbe être. Résultant de la contraction de la préposition en et de l’article défini pluriel les, ès ne s’emploie plus guère aujourd’hui que dans certains titres ou diplômes universitaires : licence ès lettres classiques, docteur ès sciences, mais docteur en médecine, en droit, en théologie, etc. C’est un grossier solécisme que de l’employer avec un singulier : docteur °ès psychologie. On le trouve encore dans la langue juridique et dans certains toponymes 12Cf. Bon usage, § 565 b. Terminons par un clin d’œil de G. Sand 13cité par BU, § 373, a) : Professeur °ès n’importe quoi.
Dernière catégorie d’impropriétés, celle d’expressions consacrées par l’usage, déformées, voire dénaturées par la substitution de l’un ou l’autre de leurs termes. Ainsi °mettre [au lieu de jeter] de l’huile sur le feu, °suivre [au lieu de faire] des études ― en revanche, on dit bien suivre un cours, assister à un cours, à une conférence, par opposition à donner un cours, une conférence ; le blessé a été transporté °en urgence à l’hôpital, [au lieu de transporté d’urgence, en ambulance, pour être admis aux urgences, c.à-d. dans le service hospitalier des urgences] ; être °entre [de] bonnes mains [au lieu de en de bonnes mains], par confusion, probablement, avec l’expression, assez proche par le sens, avoir (un document) entre les mains (ou en main 14Le Petit Robert donne une foule d’expressions dans lesquelles entre le mot de main.) ; le gouvernement °envoie (au lieu d’expédie) les affaires courantes ; ce règlement doit entrer en °force (au lieu d’entrer en vigueur) le 1er janvier prochain ; et si l’on dit fort justement : dès cette date, ce décret aura force de loi, on dira tout aussi justement « revenir en force » à propos d’une mode, d’un ancien engouement, et entrer de force (dans un lieu barricadé). Pour résumer, on dira donc : entrée en vigueur le 1er juillet dernier, cette disposition a désormais force de loi. Enfin, le silence °retentissant (au lieu d’assourdissant), donné plus haut comme exemple de non-sens, trouve aussi sa place ici.
Au terme de l’examen de ces diverses catégories d’erreurs, on notera l’importance de la clarté de l’expression, non seulement pour que ce que l’on dit soit compris comme il se doit, mais, et c’est d’ailleurs lié, pour que soit évitée, autant que faire se peut, toute forme d’obscurité. Ce n’est certes pas toujours facile, la langue française abondant d’« embûches que tendent, avec un touchant accord, le lexique, la morphologie, la syntaxe, l’orthographe. » (Ch. Bally). 15Ling. gén. et ling. fr., § 612.
On aura néanmoins à cœur d’éviter :
a) l’ambiguïté, soit le fait d’offrir plusieurs sens (polysémie), ce qui est le cas de certains termes tels mot (cf. Rem. ci-dessous), cœur, etc., ou de phrases du type à qui dit-elle que vous avez prêté ce livre ?
b) l’équivoque, qui offre deux sens, comme dans l’exemple suivant : Nous avons fait un voyage dans le Jura °qui était intéressant. A la différence du double sens, qui « présente deux interprétations, <pouvant> être toutes deux manifestes et apparentes », dans le cas de l’équivoque, « l’un des sens est manifeste, tandis que l’autre, caché, fait une allusion ». 16E. Littré, DLF, art. ambiguïté.
c) l’amphibologie, enfin, qui offre un sens incertain dû à une mauvaise construction grammaticale, comme dans les exemples suivants : j’ai acheté des sucreries pour les enfants °qui sont dans mon sac de plage ; Crois-tu vraiment pouvoir amener à résipiscence cet esprit égaré °par la douceur ? Je vous envoie une petite chienne qui a les oreilles coupées par ma servante / Je vous envoie une petite chienne par ma servante qui a les oreilles coupées ; on notera au passage l’absence de toute ponctuation, défaut on ne peut plus répandu de nos jours…
On se rappellera qu’un pronom relatif éloigné de son antécédent peut aisément causer une amphibologie. S’il suffit parfois de le faire précéder d’une virgule, sinon pour éviter, du moins pour atténuer l’équivoque, comme dans nous avons fait un voyage dans le Jura, qui était intéressant, il est des cas où il faut déplacer un mot ou un groupe de mots : j’ai acheté pour les enfants des sucreries, qui sont dans mon sac de plage ; crois-tu vraiment, par la douceur, pouvoir amener à résipiscence cet esprit égaré ? Je vous envoie, par ma servante, une petite chienne qui a les oreilles coupées. Enfin, il peut être préférable de récrire entièrement la phrase, notamment dans le cas d’une anacoluthe, qui peut facilement provoquer une amphibologie (cf. l’anacoluthe)
Pour conclure « la propriété des termes est, à vrai dire, l’unique et universelle règle du style : celle où tout se résume et qui contient tout. C’est, comme dit Molière 17Dans la scène 6 de La Critique de L’Ecole des femmes, Molière écrit ceci : « Je voudrais bien savoir si la grande règle de toutes les règles n’est pas de plaire. la grande règle de toutes les règles. Quand on a dit tout ce qu’on pensait, comme on le pensait, on a bien dit ; le défaut, s’il y en a, est de la pensée. (Gustave Lanson) 18Conseils sur l’art d’écrire, p. 221.
Remarque. — « La notion de mot passe généralement pour claire ; c’est en réalité une des plus ambiguës que l’on rencontre en linguistique. » (CH. Bally). 19Linguistique générale et linguistique française, § 466ss. Au § 424, à propos de l’ambiguïté de certains mots au pluriel, le célèbre linguiste genevois, qui, rappelons-le, était helléniste, donne, entre autres exemples, celui-ci : « s’intéresser au(x) grec(s), [Grec(s), Grecque(s)]. Et, pour bien enfoncer le clou (on nous pardonnera cette expression familière) il ajoute : « on sait que le style technique ne recule pas devant une solution telle que “cette consonne s’assimile à celle(s) qui la précède(nt)“, qui est un défi à la langue maternelle. » On n’ose imaginer ce qu’il dirait à la lecture du jargon prétendument égalitaire d’aujourd’hui, dont voici un petit exemple, tiré d’un article publicitaire : « Les jus d’herbes connaissent un succès grandissant auprès de toutes celles et °ceux qui recherchent une alimentation plus saine ». Et dire que « tous ceux qui recherchent » inclut naturellement la gent féminine… Sans parler des deux solécismes ! [de toutes celles et de tous ceux qui…]. Hormis certains cas bien précis, on répète obligatoirement les prépositions à, de et en devant chacun des compléments qu’elles introduisent.